Le 9 mai dernier, Adèle Haenel a pris la décision de se retirer du cinéma français. Dans une lettre ouverte publiée sur le site de « Télérama », l’actrice a expliqué vouloir politiser son « arrêt du cinéma pour dénoncer la complaisance généralisée du métier vis-à-vis des agresseurs sexuels, et plus généralement, la manière dont ce milieu collabore avec l’ordre mortifère écocide raciste du monde tel qu’il est ». « Je vous annule de mon monde. Je pars, je me mets en grève, je rejoins mes camarades pour qui la recherche du sens et de la dignité prime sur celle de l’argent et du pouvoir », avait-elle conclu.

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Victime d’inceste jusqu’à ses 11 ans

Une forte décision qui a inspiré Vahina Giocante, révélée à l’âge de 14 ans dans « Marie Baie des Anges », en 1998, puisqu’elle a décidé de livrer son propre témoignage tout en apportant son soutien à Adèle Haenel. « La vie d’Adèle résonne avec la mienne de manière criante. J’ai commencé comme elle à être exposée devant une caméra lorsque j’étais enfant. J’avais ce même regard endurci par l’épreuve, le regard de celui qui survit, qui fait appel à sa force intérieure pour ne pas s’écrouler. Je jouais des rôles qui parlaient à ma place, je pouvais me cacher derrière des répliques ou les émotions des personnages, je transformais mon silence et ma douleur comme une petite alchimiste devant un objectif », a-t-elle écrit dans une publication partagée sur les réseaux sociaux le 12 mai dernier.

Si elle a longtemps gardé le silence, c’est qu’elle a pris soin de « rester pudique et silencieuse, à (se) protéger en protégeant un système qu’il est temps de mettre collectivement à terre ». Pourtant, selon Vahina Giocante, il est maintenant de « notre devoir à tous de se mettre à parler, prendre le relais sans honte, ni peurs ni reproches ». Adèle Haenel avait accusé le réalisateur Christophe Ruggia de l’avoir agressée sexuellement à l’âge de 12 ans. « Comme elle aussi et comme tant d’autres j’ai été sexuellement abusée enfant à la différence que c’était par mon père. J’ai découvert ce que c’est que l’inceste aussitôt que mes souvenirs commencent jusqu’à mes 11 ans », a-t-elle révélé.

La comédienne a ensuite expliqué qu’entre deux tournages, elle avait décidé de porter plainte contre son père à l’âge de 17 ans « pour protéger [ses] plus jeunes sœurs (je n'ai réussi à en épargner qu'une sur deux). La machine judiciaire était en marche et les expertises psychiatriques, les confrontations devant le juge et l'audience s'intercalaient entre deux promotions », a-t-elle souligné. Si son père a été reconnu « coupable », elle n’a toutefois pas vraiment ressenti de « soulagement ». « La vérité a un prix », a-t-elle conclu.